Grand-père

Publié le par DEBOOSERE Isabelle

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Le temps est des plus maussades. On dirait bien que celui-ci a décidé de suivre mon humeur. Il ne fait que pleuvoir à grandes gouttes. Oui, c’est un rideau d’eau qui s’écoule sous mes yeux. J’entends le bruit que cette pluie fait sur chacun des parapluies des personnes qui m’entoure. Cette journée n’a rien de gai ! Non, aujourd’hui, je me retrouve dans un cimetière à regarder un homme admirable être mis en terre. Oui, c’est mon grand-père que l’on enterre sous ce temps humide et froid. Il avait l’âge pour tirer sa révérence, mais c’est toujours compliqué de perdre quelqu’un que l’on aime. Je regarde le cercueil s’enfoncer dans la terre et remercie silencieusement la pluie de masquer les larmes qui coulent le long de mes joues.

En regardant celui-ci s’enfoncer dans la terre, les souvenirs de la petite fille que j’étais me reviennent. Oui, je me souviens des histoires qu’il me racontait, ses histoires de son vécu dans ce qu’il appelait l’enfer. Des flashes me reviennent de ce jour-là où il m’a raconté son histoire, ses souvenirs douloureux qu’il avait vécus. On était en séjour chez mes grands-parents pour les vacances. Je me souviens de notre conversation, ce jour-là, de son histoire.

- Dis grand père, pourquoi tu dis parfois à grand-mère que rien ne peut être pire que l’enfer ?

- Parce que j’ai affronté l’enfer et que j’ai eu la chance de revenir !

- Comment est-ce possible ? On va en enfer quand on est mort ? Tu es revenu à la vie papi ?

- On ne parle pas du même enfer ma chérie ! Le mien est bien réel ! Alors que celui dont tu fais référence, et bien, personne n’est revenu pour nous dire à quoi ça ressemble. Mais je ne pense pas que cela puisse être pire que ce que j’ai vécu !

- Comment ça grand père ? Je ne comprends pas !

- Laisse-moi te raconter une histoire. L’histoire de ma descente aux enfers !

- Papa ! Tu ne vas pas lui raconter la guerre ! Ce n’est qu’une enfant ! Râla ma mère.

- Ce monde n’est pas un monde de bisounours ! Elle doit savoir, comprendre ce qu’il s’est passé ! On ne peut pas la surprotéger. Elle sera un jour confrontée à la réalité. Elle a le droit de connaître cette histoire !

- N’oublie pas que ce n’est qu’une enfant. N’utilise pas de mot trop dure !

- Arrête de la surprotéger !

- Comme tu voudras ! Tu te débrouilleras avec elle si elle fait des cauchemars ! Répondit ma mère avant de sortir de la pièce.

- Bon, veux-tu mon enfant que je te raconte mon histoire ou préfères-tu que je n’en fasse rien ?

- Je suis courageuse ! Raconte-moi ton histoire grand-père ! Répondis-je en m’installant confortablement en face de lui.

- Eh bien, je me souviens, c’était, il y a bien longtemps. Ton grand-père, moi, n’était encore qu’un tout jeune homme de vingt ans. Je m’étais marié depuis peu avec ta grand-mère. On était tellement heureux, tellement amoureux, tellement insouciant qu’aucun de nous ne pouvait savoir, ne serait-ce qu’imaginer ce qui allait se passer. Pour des histoire que tu auras bien le temps d’apprendre à l’école, notre pays est entré en guerre. Les hommes étaient appelés pour y partir. Personne n’avait le choix. Nous avions peur de recevoir une lettre nous demandons de partir en guerre. C’est ce qui s’est passé. J’ai reçu ma lettre pour partir à la guerre. Je ne me suis pas fait trop de soucis, car même s’il y avait un risque de mourir comme toutes les guerres, en règle générale, celle-ci ne durez jamais très longtemps. Je suis donc partit à la guerre laissant seule ta grand-mère dans notre chez nous. Ce que je ne savais pas, c’est le temps que ça à durée, et l’horreur que ça allé être. Je suis arrivé, à ce que j’appelle l’enfer, mais, qui s’appelle en réalité le front. Nous ne savions pas en allant combattre que nous n’étions que de la chair à canon. J’ai compris trop tard l’horreur que ça allait être. Les combats étaient tellement durs. Je ne voulais pas mourir, car je savais que ta grand-mère attendait ton oncle. Je n’avais qu’un espoir, revoir l’angélique visage de ta grand-mère, revoir mes terres, ma région. Je voyais tous les jour mourir des camarades, des gamins qui n’ont pas eu le temps de vivre leur vie d’adulte, des gens démembraient par les diverses explosions. Je me souviens d’un homme mort dans mes bras murmurant dans un dernier soupir les noms de sa femme et ses deux enfants avant de mourir. Il y avait dans les tranchées une odeur âcre, un mélange entre le sang, la poudre, et les divers déchets de nourriture ou d’excrément. Des hommes tombaient, non pas par des balles, mais par la maladie ou encore la faim. Je te jure, parfois, j’avais envie de dévorer certain de mes camarades juste pour stopper cette faim lancinant et insupportable. Nous n’avions rien demander et nos ennemis non plus ! Dans chaque camp, on voulait juste rentrer chez nous sain et sauf. On voulait juste revoir nos familles. Quand j’avais du temps, j’écrivais à ta grand-mère pour lui dire que j’étais encore en vie et qu’elle en informe ma famille, pour lui raconter l’enfer vécu au front. J’avais l’impression qu’on était juste un sacrifice, un sacrifice pour un rien. Je me souviens de ce jour où j’ai cru mourir. Nous devions courir, arme à la main, pour tuer les personnes en faces. J’ai entendu, alors qu’on était tous à découvert, le grondement des avions avant le ko. Nous, comme nos adversaires, étions bombardés. J’ai vu les hommes tomber un par un autour de moi. Il y en a une qui est tombé près de moi. Ce fut soudain le silence. Je n’entendais plus rien. Je voyais trouble. Je pensais mourir sans revoir ma tendre femme. Je voyais les corps autour de moi. Mais j’ai eu beaucoup de chance. Lors d’un moment plus calme, je fus récupéré et emmené à l’hôpital de fortune le plus proche afin d’y être soigné. Je fus grièvement blessé, mais vivant. J’étais vraiment chanceux quand je pense aux nombreux morts tombé autour de moi. Grace à cette blessure, j’ai pu rentrer chez moi revoir les miens. J’étais traumatisé, mais vivant. J’étais revenu des enfers ! Beaucoup n’ont pas eu cette chance !

- Ça va grand père ? Demandais-je alors que des larmes coulaient sur les joues de mon grand-père.

- Oui. Désolé. J’ai dû être confus dans mon histoire. Je me fais vieux. De plus, c’est, encore aujourd’hui, dure d’en parler. Je t’ai raconté ça comme ça mes revenus.

- Ne t’inquiète pas grand-père. Tu me raconteras une autre fois.

Ce jour-là, je n’avais pas réalisé à quel point tu avais été marqué par cette guerre. Tu as vu des amis mourir et tes larmes, ce jour-là, étaient en leurs souvenirs. J’ai compris que tu te sentais d’une certaine façon encore coupable d’être en vie alors que tu as vu tant de gens mourir. Tu es à mes yeux un héros, un héros qui ne désirait qu’une chose, la paix. Oui, tu ne voulais plus que personne ne vive ou revive cet enfer.

La pluie tombe toujours abondamment. J’espère que, ou que tu sois, tu ne vivras plus le souvenir de ce cauchemar. Ce qui est sûr, c’est que dans les miens, dans mes souvenirs, tu seras toujours mon héros. Je t’aime à jamais. Adieu grand-père.

 

Publié dans Histoire courte

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